Thèse de doctorat d'Anna-Livia Marchionni


"Une socio-anthropologie du syndrome d'Asperger

dans ses relations à la nature et aux animaux :

de la marginalisation au renouvellement identificatoire et culturel"

 

Thèse défendue le vendredi 20 novembre 2020 par Anna-Livia Marchionni

 

WIN 20201106 14 33 24 Pro (2)

 

L'existence de particularités de perception sensorielle chez les personnes autistes est aujourd'hui avérée (Gepner, 2014) ; dans le DSM-V[1], elles sont considérées comme un symptôme à part entière des « troubles du spectre autistique » ; nombreuses sont les personnes autistes à en témoigner (Grandin, 1984 ; 1988 ; Jollife, 1992 ; Williams, 1992 ; Willey, 1999 ; Tammet, 2006) ; certains adultes autistes Asperger considèrent même que leur sensibilité sensorielle est une source de plus de difficultés quotidiennes que les questions de socialisation et d'insertion sociale (Attwood, 2010).

L'enjeu de ce travail est d'explorer la relation de personnes autistes Asperger à la nature et aux animaux dans une approche qualitative, sociologique et anthropologique, par le recueil d'entretiens approfondis et par des enquêtes ethnographiques aux domiciles de deux participantes (dans une communauté anarchiste dans les Cévennes et dans un manoir isolé en Sologne). Je me suis intéressée aux processus subjectifs déployés par les participants afin de questionner leurs représentations des environnements naturels et de leurs liens aux animaux ainsi que leurs expériences sensorielles quotidiennes et les processus subjectifs qu'elles déploient en fonction de leur environnement.

Les analyses ont montré comment, lorsque les autistes prennent la parole, celle-ci parle davantage de la société que de l'autisme, et remet en question les concepts culturellement ancrés dans l'ontologie naturaliste et dualiste de nos sociétés occidentales de la norme et du handicap, de la nature et des animaux, entraînant marginalisation des différents et exploitation des ressources naturelles. Ce que cette parole apporte, c'est un autre point de vue sur la société et sur la manière de catégoriser les êtres. Elle pose des questions politiques dans la mesure où elle exprime une demande de changement dans la prise en charge et le statut social des individus porteurs de différences ; politiques aussi dans la mesure où cette parole, en déstabilisant les normes validistes et la logique spéciste qu'elle entraîne, remet en question l'économie capitaliste des sociétés occidentales responsables de la destruction de la planète, amenant à la question bien plus large d'une possible transition ontologique en cours dans nos sociétés pour faire face à la crise écologique mondiale.

[1]5° édition du Manuel diagnostic et statistique des troubles mentaux (2013)

Anna-Livia Marchionni

Partagez cette page